L’ampleur de ce qu’il faut construire et déconstruire pour redonner le pouvoir aux citoyens est donc de taille.
Il existe déjà nombre d’initiatives et réflexions sur le sujet qui ne demandent qu’à être appliqués au niveau local, en voici une liste non-exhaustive :
Modifier le mode de scrutin par le jugement majoritaire
1 seul tour, tout le monde vote par mention (de “très bien” à “à rejeter“) pour chaque candidat•e et exprime ainsi la pluralité de son opinion sur chaque projet politique. Le dépouillement permet de compiler pour chaque candidat la somme de ses mentions et de dégager sa mention majoritaire correspondant à la mention dépassant les 50% de voix exprimées. Ce mode de scrutin n’avantage plus les gros candidat•e•s/partis, supprime le concept de vote utile et favorise les consensus positifs.
Rendre les mandats révocatoires
En permettant aux citoyens de réaliser, à leur initiative, des votes de confiance (possiblement au jugement majoritaire) où une majorité de soutien devrait être obtenue pour ne pas perdre son mandat (une mention au minimum bien).
Ouvrir l’intégralité des commissions municipales aux citoyens
Tout en les rendant autonomes et décisionnaires, les libérant ainsi du pouvoir du maire ou de toute tutelle politique.
Tendre vers le tirage au sort
Dès qu’il s’agit de sélectionner les membres d’une liste ou d’une assemblée dont le nombre est réduit, pour déconstruire la hiérarchie et l’inhibition sociale poussant les plus fragiles à ne pas se présenter et les plus forts à prendre les plus hautes places. Il s’agit également de questionner la distribution du pouvoir à ceux qui le demandent : désinstituer la candidature au profit du désintéressement. La corruption et les conflits d’intérêts sont intimement liés à l’ambition politique et bien plus présents au niveau local qu’on ne pourrait l’imaginer. Si il ne s’agit plus de faire campagne pour être élu•e en son nom, il n’y a plus matière à se compromettre dans la promesse de faveurs distribuées aux différents acteurs d’une ville (commerçants, médias, promoteurs immobiliers…) en amont d’une élection.
Indexer les indemnités d’élu•e sur le quotient familial et sur le revenu moyen
Pour prendre en compte les inégalités de niveau de vie et ainsi favoriser le désintéressement. L’idée qu’une haute indemnité d’élu•e permettrait d’éviter la corruption et les conflits d’intérêts est aujourd’hui grandement défendue, notamment par les députés et sénateurs, au prétexte que cela leur permet d’être au dessus du besoin et proche du niveau de revenu d’un poste à haute responsabilité dans le privé. Mais c’est au regard du niveau de vie de l’ensemble des citoyens qu’il faut fixer le montant de ces indemnités, sans quoi on ne peut que renforcer la hiérarchie sociale par une domination financière. En prenant en compte ces trois paramètres (revenu moyen national, revenu personnel et patrimoine possédé), on peut donner forme à une indemnité juste. Elle permettrait de favoriser l’accès des classes populaires à l’exercice de la politique et associerait profondément les intérêts de la classe politique aux intérêts communs (leurs revenus étant intimement liés au revenu moyen du pays).
Passer à une proportionnelle totale pour tous les scrutins de liste
Cela permettra de respecter l’ensemble des opinions. Aujourd’hui la liste remportant une élection municipale avec 51 % des voix se voit attribuer plus de 75 % des sièges du fait de la “dose de proportionnelle“. C’est un déni de démocratie ayant pour but annoncé de favoriser la gouvernabilité d’une ville, une majorité municipale trop juste étant synonyme de compromis et consensus plus grand. Cette crainte d’instabilité et d’impuissance politique est profondément ironique puisqu’elle est défendue en premier lieu par le pouvoir politique (référence toute trouvée à la IIIème république) qui fait ici un aveu discret : l’élection devrait nous attribuer un pouvoir suffisant pour avoir la possibilité d’agir. Mais ce sont les citoyens auxquels ce “nous” devrait faire référence, pas aux élu•e•s. L’équation est simple, si le pouvoir est fort, c’est au prix d’une impuissance citoyenne, et réciproquement.
Circonscrire et désinstituer la concentration des pouvoirs
En particulier au sommet des hiérarchies. Aujourd’hui les maires disposent de la quasi totalité des pouvoirs sur une municipalité, cette hyperpuissance est le terreau fertile d’un autoritarisme naturel et légitimé par des élections personnalisées à l’extrême. Il s’agit bien d’un abandon partiellement consenti du pouvoir collectif au profit d’une seule personne, conditionnant l’avenir d’une ville ou d’un pays à la grandeur morale de son édile, seul rempart contre toutes les tentations : corruptions, clientélisme, favoritisme, abus de pouvoir… Faute de pouvoir supprimer purement et simplement le concept du “chef” et devant l’absence réelle de contre-pouvoir, nous devons déconstruire cette position ultra-dominante dans tout ce que cela implique. Partager son siège semble être un premier pas vers la l’abolition de ce dictat en instaurant une rotation et une collégialité tout au long du mandat. Préférer le tirage au sort ou l’élection sans candidat pour pourvoir les postes limiterait également l’appétit de pouvoir au profit d’un certain désintéressement.