Le CM du 12.04.2021
Commissions et travaux préparatoires : préparons-nous !
Il est 18H, j’attends mon RER sur le quai de Massy Palaiseau. Je rentre exceptionnellement tôt, j’imagine déjà passer une soirée tranquillou. Je reçois un appel. C’est Bruno, toujours sur tous les fronts mon Bruno. « Tu es prête pour les commissions ce soir ? ». Je proteste : « Ce soir ! »
Qu’est-ce qu’une commission ? Les commissions sont chargées d’examiner des questions soumises au conseil soit par l’administration, soit à l’initiative d’un de ses membres. Elles portent sur des questions d’intérêt général (article L. 2121-22 du CGCT). En règle générale, ces commissions sont organisées pour préparer les conseils municipaux. Sur la ville de Palaiseau, il y en a quatre: la commission « Ressources », la commission « Territoire », la commission « Population» et enfin la commission « Animation de la cité ».
Avec la représentation proportionnelle et le respect de l’expression pluraliste des élu.es, un siège nous est réservé dans chacune d’entre elles. A moi, les quatre commissions de 19H à ….!
Première réaction, je ronchonne intérieurement. J’entends vaguement Bruno me dire les points sur lequel on pourrait intervenir, « les subventions des syndicats et des associations » « les subventions du cinéma…du marché forain». En même temps, je pense à ma soirée…mon plus jeune fils de deux ans…Ah…Mince, comment je vais faire.
Puis, deuxième réaction, le double effet « Kiss cool », je me sens soudainement animée d’une responsabilité morale envers le collectif et par une certaine curiosité. C’est la première fois que j’assiste à UNE COMMISSION !
Je me ravise : « Bruno, comment y accéder ? Je n’ai pas encore utilisé la boite mail dédiée aux élu.es»
Très rapidement, le service des affaires juridiques de la mairie alerté de mes difficultés me transmet l’accès aux liens ZOOM de chaque commission avec les travaux préparatoires en pièce jointe. Quelle efficacité !
Je parcours rapidement les 160 pages de tableaux et de chiffres. Une grosse partie concerne le rapport sur le budget primitif. Allez, GO ! J’ingurgite les infos.
De quoi je me plains ! Pour le prochain conseil du 12 avril, on recevra 420 pages de travaux à ingurgiter en cinq jours. Est-ce faisable ? Mais oui ! Bien sûr pour les « supers élu.es » de la démocratie représentative doté.es de supers pouvoirs ! Comment absorber autant d’informations en si peu de temps, les comprendre et les analyser ? Comment faire participer le plus grand nombre aux questions de la Cité, les acteurs de la société civile, les palaisien.nes ; comment s’appuyer sur l’expertise des uns et des autres ? Nous avons besoin de croiser les autres regards, de travailler collectivement en coopération avec les différents acteurs de la Cité. Bref les élu.es, serions-nous doté.es des pouvoir de télépathie et d’omniscience ?
Et puis, il y a l’application ZOOM,
La mairie est moderne, elle utilise l’application ZOOM « qui Permet la communication interne et externe, les réunions et formations de tout le monde et ce, sur une seule et unique plateforme de communication » (dixit zoom). En raison de la crise pandémique, les commissions sont organisées en visioconférence, chacun devant son PC et chez soi. Je clique sur le lien et quelques visages apparaissent, quelques intérieurs aussi.
Mon fils intéressé par le son des voix et tous ces nouveaux visages s’installe sur mes genoux et me montre du doigt les visages lui paraissant les plus sympathiques… Je me présente et salue les élu.es. Deux trois voix se lèvent pour me saluer. Et je retire la vidéo en me justifiant : « je dois m’occuper de mon petit garçon… » Comment concilier vie privée et vie publique ? Un.e élu.e serait-il doté.e du don d’ubiquité, serions-nous là et ailleurs en même temps ? Serions-nous omniprésents ?
Sur l’une des vidéos, je vois deux personnes qui circulent autour de la grande table de la salle municipale, ce sont surement les fameux « greffiers » qui vont retranscrire tous nos propos dans des procès-verbaux, encore des pages et des pages d’écritures que certain.es auront très certainement le courage de lire…ou pas.
Les rapporteur.es de chaque commission (les adjoint.es) prennent la parole et présentent les dossiers, les interventions ne peuvent concerner que des aspects techniques : de la faute de frappe, d’orthographe, de syntaxe, de grammaire, à des questions de fond, des questions juridiques, financières ou matérielles. Si la question dérange, elle pourra être discutée en Conseil municipal, n’est-ce pas ? Et puis, en Conseil, on dira qu’elle est trop technique, il aurait fallu en parler en commission.
Plus tard dans la soirée, par inadvertance, je me trompe de commission et je me retrouve sur une commission où tous attendent la rapporteure, celle-ci étant retardée par la précédente commission.
C’est à cette occasion que je me suis sentie dotée d’un nouveau pouvoir, l’invisibilité.
Durant cette longue attente, des discussions d’ordre privé ont lieu : « comment va ton chien ? et tes petits enfants ? et ta mère ? et ce n’est pas facile avec la COVID… » ; les discussions dites « ordinaires » où l’on parle de tout et de rien. Cela peut paraître important par ces temps qui courent pour entretenir le lien social mais…elles paraissent gênantes dans le cadre d’une visioconférence où de nombreuses personnes sont connectées en simultané pour discuter des affaires de la commune.
Claire (CEPAL) me confirme la situation inconfortable par SMS : « je n’ose même pas toussoter pour leur rappeler qu’on est là. »
La semaine d’après, vient le fameux conseil municipal pour lequel les commissions avaient été organisées.
Les débats étaient particulièrement houleux ce jour-là : « Celui qui dit qui y est », « On est des salauds de droite et on en a marre du social » «vous m’êtes insupportable, vous m’agacez »…Mais une question soulevée en haut lieu a rendu les supers héros de la démocratie représentative très perplexes : « Les commissions sont-elles utiles ? »