Arrivée en retard (RER B), j’ai loupé la passation.
Je rentre discrètement. La configuration est impressionnante, en U avec les élu.es de l’opposition aux extrémités de la salle et je vois le maire au centre…au centre de tout…
Je m’assois, je vois mes nouveaux gadgets : une tablette… une clé…des codes d’accès…
Les élu.e.s de l’opposition me font des petits signes sympathiques.
J’écoute.
Je suis très vite surprise des prises de parole. La parole semble à priori assez libre. Benjamin (la Conviviale) me le confirme : « tu prends la parole quand tu veux ».
En effet, le portail de la direction générale des collectivités locales précise : « Les conseillers municipaux ont le droit de s’exprimer sur les affaires soumises à délibération au cours des débats et proposer des amendements aux projets de délibérations »
Je constate très vite que seul.e.s les élu.e.s de l’opposition posent des questions, il y a très peu d’interventions des élu.e.s de la majorité, excepté bien sûr le maire et deux autres adjoints. Que se passerait-il si les élu.e.s de l’opposition n’étaient pas présent.e.s ? Aucun débat ? Une simple chambre d’enregistrement ? Bref, les interventions rythment les conseils municipaux ; un peu de vie !
Les échanges sont houleux, la parole fait parfois mal. Je suis très surprise de la virulence des propos tenus.
Et la parole revient au Maire, très souvent… trop souvent… Omniprésence et verticalité !
De conseil en conseil, il semblerait qu’une sorte de rituel se soit instauré entre les différents protagonistes.
Les attaques fusent… sur les mandats passés… sur les absences aux commissions… sur les mots utilisés…
Et surtout, malheur à celui ou celle qui s’avise de poser une question et qui doit s’absenter quelques minutes pour des besoins naturels, ce sera relevé en haut lieu. Des rires, des moqueries et des remarques désobligeantesl’absent.e qui n’a pas pu attendre la réponse à sa question.
Malheur, en outre, à celui ou celle qui perd ses mots ou ses pages. Des rires, des moqueries et des remarques désobligeantes à celui ou celle qui fait la moindre petite erreur…
Malheur à celui ou celle qui dénonce la bétonisation sur la ville de Palaiseau et qu’on accuse de ne raconter que « des bêtises »…les moqueries, les rires et les remarques désobligeantes à celui ou celle qui dit ce qu’il ou elle pense.
Malheur aussi à celui ou celle qui formule des questions trop techniques sur le budget. Les moqueries, les rires à celui ou celle qui aurait dû poser la question en commission. Et en commission, on lui dira que sa question est trop politique…
Benjamin me rassure… « C’est un drôle de baptême »…c’est le rapport d’orientation du budget… J’apprendrai à mes dépens qu’il s’agit d’un des conseils les plus cruciaux mais aussi les plus indigestes.
Un prestataire vient expliquer les tenants et aboutissants… les mots résonnent dans ma tête « inflation…dotation globale, épargne net, investissement, anticipation »…
J’ai un haut-le-cœur, un vieux trauma…. Ça me rappelle mes années universitaires et notamment mes cours de finance publique. Les élu.e.s semblent passionné.e.s, les visages rivés vers le projecteur…des tableaux, des chiffres, des schémas…
Font-ils semblant ?
Les copains m’envoient des petits SMS, histoire de compatir, d’être solidaire.
Enfin, un peu de réjouissance à la fin du conseil municipal, débat sur le rapport sur la situation en matière d’égalité femme-homme; il est 23h30, tout le monde est crevé. On nous fait comprendre de ne pas y passer trop de temps. Pourtant…il y aurait tellement de choses à dire. Rien que comment s’organise la prise de parole au sein de ce conseil. Beaucoup de prise de parole par les hommes, beaucoup de verticalité…On se coupe beaucoup la parole, on parle fort, on manque d’empathie, on manque de bienveillance….Même la rapporteure ne souhaite pas que son nom soit mentionné dans le rapport. Elle se justifie : « Je ne souhaite pas être mise en valeur ». C’est bien cela le problème ! Jean-Michel m’envoie un SMS en précisant : « Un maire, Un adjoint…et une femme en troisième position. »
Comment concevoir le pouvoir politique autrement ? Comment imaginer un pouvoir politique local sans violence, sans exclusion, sans mépris? Est-il possible d’imaginer un pouvoir dans la coopération, l’inclusion, la responsabilité collective, le partage et la solidarité ?